Cet article intervient pour tenter de répondre à certains professionnels du droit, notamment les magistrats et les avocats, qui pensent encore qu’il est possible pour le procureur de la République de poursuivre un suspect suivant la procédure de flagrant délit sans le placer sous mandat de dépôt. Les tenants de ce courant de pensée se fondent généralement sur les dispositions de l’article 65 du code de procédure pénale, selon lequel :
« En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement, et si le juge d’instruction n’est pas saisi, le procureur de la République peut mettre l’inculpé sous mandat de dépôt, après l’avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés.
Il saisit alors le tribunal dans les conditions définies au livre II du présent code relatif à la procédure devant les juridictions de jugement.
Les dispositions prévues au présent article sont inapplicables aux infractions dont la poursuite est prévue par une loi spéciale ou si les personnes soupçonnées d’avoir participé au délit sont mineures de dix-huit ans. »
Avant tout commentaire, il sied ici de rappeler qu’au Niger, il existe deux types d’enquêtes préliminaires : l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire ordinaire.
La première a lieu en cas de crimes ou délits flagrants (définis par les articles 48 et 49 du CPP), alors que la seconde est l’enquête de droit commun.
L’article 65 ci-dessus est le 18e article du 1er chapitre, libellé « des crimes et délits flagrants », du titre II intitulé « Des enquêtes ». D’où il importe de constater sans aucune difficulté que l’expression « délit flagrant » contenue dans ledit article fait référence à l’enquête de flagrance et non à la procédure de « flagrant délit » devant le tribunal correctionnel, qui, elle, est prévue par les articles 374 et suivants du CPP.
D’ailleurs, les deux expressions n’ont pas la même écriture, et ce n’est pas anodin. On écrit « délit flagrant » ou « crime flagrant » pour parler du caractère flagrant de l’infraction, alors qu’on écrit « flagrant délit » ou FD en abrégé pour parler de la procédure devant le tribunal correctionnel.
L’expression « En cas de délit flagrant… » veut tout simplement dire que la personne déférée devant le procureur est mise en cause dans un délit qui est flagrant. À cet effet, l’article 374 du CPP, renvoyant à cet article, utilise l’expression « l’individu … déféré devant le procureur de la République conformément à l’article 65… ».
Ainsi, aucun doute ne plane sur le fait que l’article 65 ne traite pas de la procédure dite de flagrant délit (FD) devant le tribunal correctionnel.
Pour s’en convaincre davantage, lisons l’article 64 du CPP, qui dispose : « En cas de crime flagrant et si le juge d’instruction n’est pas encore saisi, le procureur de la République peut décerner un mandat d’amener contre toute personne soupçonnée d’avoir participé à l’infraction. »
Malgré cet article, on ne dira guère qu’il existe une procédure dite de « flagrant crime », alors que les deux articles se suivent. Donc, aucune de ces deux dispositions ne traite de la procédure à suivre devant le tribunal correctionnel. Ils traitent plutôt de l’enquête préliminaire lorsque celle-ci est consécutive à des délits ou crimes flagrants. C’est d’ailleurs pour cela que l’article 64 précité dit que le PR peut décerner un mandat d’amener contre toute personne soupçonnée d’avoir participé à l’infraction.
Il faut également faire constater aux lecteurs que les deux dispositions (art. 64 et 65) commencent par les expressions similaires suivantes : « en cas de crime flagrant… », « en cas de délit flagrant… ».
Alors, pourquoi vouloir dire que l’expression « délit flagrant » contenue dans l’article 65 veut dire la procédure de flagrant délit, si on n’accepte pas de dire que l’expression « en cas de crime flagrant », contenue dans l’article 64, veut dire procédure de flagrant crime ?
On répondra certainement qu’aucun texte ne prévoit une procédure sous la dénomination « flagrant crime ». Eh bien, aucun texte ne prévoit non plus une procédure sous la dénomination de « délit flagrant ». La seule procédure que nous connaissons est qualifiée « flagrant délit » et non « délit flagrant ». Et cette procédure est expliquée par les articles 374 à 379 du CPP. Donc, comme nous le disions tantôt, l’article 65 ne parle pas de la procédure de flagrant délit, mais de l’enquête de flagrance, c’est-à-dire celle qui est relative au délit flagrant.
Ce constat étant fait, il importe de comprendre aisément qu’en énonçant : « …et si le juge d’instruction n’est pas saisi, le procureur de la République peut mettre l’inculpé sous mandat de dépôt, après l’avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés », l’article 65 fait référence aux modes d’exercice de l’action publique.
En d’autres termes, si le procureur n’entend pas requérir l’ouverture d’une information, il peut mettre, sous mandat de dépôt, la personne déférée devant lui, subséquemment à un délit flagrant (donc choix de la procédure du FD). C’est pour cela que le second alinéa de l’article 65 du CPP dispose qu’« il saisit alors le tribunal dans les conditions définies au livre II du présent code relatif à la procédure devant les juridictions de jugement. »
Article rédigé par MOUSSA Mahamadou, Juge d’Instruction du Tribunal d’Arrondissement Communal Niamey 3