« Ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet de soins les moins attentifs.
L’homme prend le plus grand soin de ce qui lui est propre, il a tendance à négliger ce qui est commun », Aristote, Politique, Livre III[1].
Ce constat d’Aristote résume le comportement négatif de l’être humain vis-à-vis de la nature et de l’environnement en général. En effet, celui-ci a tendance à prendre beaucoup plus soin de son bien personnel au grand dam du bien public, ou si l’on préfère, du patrimoine commun.
Ce rapport qu’entretient l’homme avec son milieu, qualifié d’« anthropocentrisme fort »[2] le place « au sommet de la pyramide décisionnelle »[, ce qui fait que « la satisfaction de ses besoins passe avant des considérations plus larges »[4].
C’est une « position utilitariste stricte qui conçoit la nature comme un fonds disponible pour l’homme »[5].
L’homme a donc besoin d’être conscientisé pour modifier son éthique et son comportement négatif dans le sens d’établir une « réconciliation entre la protection de l’environnement et un certain développement économique, au bénéfice des générations futures et des défavorisés, notamment[6] ».
La problématique des drames et menaces environnementaux, se ramenant essentiellement au rapport entre l’homme et son environnement, a été prise en charge d’abord au niveau mondial en raison du caractère de plus en plus mondialisé mais aussi de plus en plus intégré du droit de l’environnement.
Par la suite, les Etats se sont appropriés les résultats des travaux des conférences mondiales sur l’environnement, les changements climatiques et le développement durable.
La toute première est la conférence de Stockholm de 1972, considérée comme étant à la base de la naissance de la diplomatie environnementale en raison du rôle éminemment important qu’a joué la Suède pour sa convocation.
Ensuite, le Sommet « Planète Terre » de 1992 (Rio de Janeiro) qui a consacré officiellement le concept de « développement durable « , embryonnaire à Stockholm, dont les progrès sont significatifs.
Pour résoudre la problématique de la relation entre l’opérateur rural et la ressource naturelle utilisée, le Niger a entrepris, au début des années 1990, d’importantes réformes afin de modifier les textes existants et inadaptés, d’adopter de nouvelles lois et de créer de nouvelles institutions, conformément à ses engagements internationaux.
Ces réformes font apparaitre une nouvelle vision du pays non seulement par rapport aux droits que les citoyens peuvent exercer sur les ressources naturelles mais aussi concernant les obligations qui leur incombent dans leur relation avec celles-ci.
Cela nous amène à étudier, dans la première partie de ce travail, les droits des opérateurs ruraux sur les ressources naturelles (I) et, dans la seconde partie, l’obligation de mise en valeur des ressources naturelles rurales (II).
- Les droits des opérateurs ruraux sur les ressources naturelles
Par opérateur rural, il faut entendre ici toute personne qui exerce une activité rurale. Il s’agit de l’agriculteur, propriétaire d’une terre agricole et du pasteur ou éleveur, propriétaire ou gardien du capital-bétail.
Plusieurs textes nationaux et internationaux reconnaissent des droits aux individus sur les ressources naturelles. En général, ces textes définissent la notion de ressources naturelles ainsi que les principes fondamentaux qui gouvernent leur gestion tout comme ils déterminent la substance des droits attribués aux citoyens.
Cette partie sera consacrée, d’abord, à la définition des notions de ressources naturelles en général et de ressources naturelles rurales et les principes de leur gestion rationnelle(A) et, ensuite, à la détermination du contenu des droits reconnus aux opérateurs ruraux(B).
- Les notions de ressources naturelles, de ressources naturelles rurales et les principes gouvernant leur gestion
La Déclaration de Stockholm de 1972 nous donne une idée de la notion de « ressources naturelles ». Pour définir ce concept, le principe 2 de ce texte cite des éléments naturels à savoir l’air, l’eau, la terre, la flore et la faune mais aussi les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels.
Au sens de l’article 2 de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CNUDB) ratifiée par le Niger le 25 juillet 1995, par écosystème, il faut entendre « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle ».
La lecture combinée des dispositions de la Charte mondiale de la nature (principes généraux 2 et 10) et de la CNUDB (article 2) permet de comprendre que la notion de « ressources naturelles » intègre les ressources biologiques constituées des « ressources génétiques, des organismes ou éléments de ceux-ci, des populations, ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle pour l’humanité ». Selon la CNUDB, les ressources génétiques ne sont rien d’autre que « le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle ». La terre qui est une ressource naturelle renferme ce matériel génétique puisque la Charte mondiale de la nature proclame que « la viabilité génétique de la terre ne sera pas compromise » (principe général 2).
La Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles du 15 septembre 1968 dite Convention d’Alger, ratifiée par le Niger le 26 février 1970, va dans le même sens, mais de manière restrictive, en définissant l’expression « ressources naturelles » comme des ressources renouvelables, c’est-à-dire les sols, les eaux, la flore, et la faune.
Ces ressources sont citées par la Charte mondiale de la nature comme faisant partie des ressources naturelles puisque celle-ci parle des « ressources qui ne sont pas consommées par l’usage, y compris l’eau ».
Dans le cas d’espèce, ce sont les ressources renouvelables qui nous intéressent. Cela veut dire que les ressources non renouvelables (pétrole, gaz, etc.) visées par la Charte mondiale de la nature (principe général 10) comme faisant partie des ressources naturelles ne rentrent pas dans le cadre de cette étude.
S’agissant des textes nationaux, les définitions des ressources naturelles en général et des ressources naturelles rurales sont données respectivement par la loi n°98-056 du 29 décembre 1998, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement et l’ordonnance n°93-015 du 2 mars 1995 fixant les principes d’orientation du Code Rural.
L’article 2 de la loi N°98-056 précitée définit les « ressources naturelles » comme « l’ensemble des produits naturels, des écosystèmes, des éléments abiotiques et des équilibres qui composent la terre ainsi que des diverses formes d’énergie naturelles ».
Pour l’écosystème, la loi a repris in extenso (article 2), la définition donnée par la CNUDB.
La notion d’équilibres composant la terre employée dans la définition des ressources naturelles s’assimile à celle de l’équilibre écologique qui s’entend du « rapport relativement stable créé progressivement au cours du temps entre l’homme, la faune et la flore, ainsi que leur interaction avec les conditions du milieu naturel avec lequel ils vivent » (article 2).
Cette définition légale des ressources naturelles est plus complète et fait la synthèse des conceptions des différents textes internationaux, conventionnels et non conventionnels. Elle confirme l’idée qu’il faut entendre par ressources naturelles, les ressources renouvelables et non renouvelables.
L’ordonnance n°93-015 susvisée donne un contenu précis à la notion de « ressources naturelles rurales » qui constituent son champ d’application.
Ce texte qui fixe le cadre juridique des activités agricoles, sylvicoles et pastorales dans la perspective de la protection de l’environnement, notamment, définit, en son article 2, la notion de « ressources naturelles rurales » qui s’entendent des :
-ressources foncières : terres destinées à l’agriculture, à l’élevage, à la forestation, terres aménagées, terres classées et terres vacantes ;
– ressources végétales : ressources forestières, pâturages et cultures ;
-ressources animales : ressources pastorales, ressources fauniques, ressources halieutiques autres espèces d’intérêt économique et écologique ;
-les ressources hydrauliques : eaux de surface, eaux souterraines et eaux privées.
L’ordonnance n°93-015 a énoncé des principes généraux (articles 4, 5, 6, 7) et des principes spécifiques à chaque ressource : terres agricoles (articles 8 à 22), terres de pâturages (articles 23 à 39), terres réservées, protégées et terres de restauration (articles 40 à 43), hydraulique rurale (articles 44 à 57), ressources animales (articles 91 à 108).
La loi n°98-056 a déterminé des principes fondamentaux de gestion rationnelle des ressources naturelles et de l’environnement en général.
Au titre des principes généraux, on peut citer :
-Le principe selon lequel les ressources font partie du patrimoine commun de la nation ;
-le principe de l’égal accès aux ressources ;
-le principe de l’égale protection des droits s’exerçant sur les ressources naturelles ;
-l’obligation de mise en valeur du patrimoine naturel ;
-la détermination et l’organisation concertées de l’espace rural et des normes d’utilisation des ressources naturelles ;
-l’intégration du processus de décentralisation dans les pratiques de gestion des ressources naturelles.
Pour ce qui est des principes spécifiques, ils sont énumérés à l’article 3 de la loi-cadre s’inspirant des instruments internationaux. Il s’agit du :
-principe de prévention ;
-principe de précaution ;
– principe pollueur-payeur ;
– principe de responsabilité ;
-le principe de participation ;
-principe de subsidiarité.
Lorsqu’on examine les différents principes différemment formulés, on remarque que certains se rejoignent.
Prenons l’obligation de mise en valeur. Elle intègre à la fois les idées de responsabilité, de prévention et de participation. Ainsi, en imposant à l’opérateur rural un devoir de gestion rationnelle de ces ressources, le législateur entend non seulement l’obliger à prendre des mesures préventives et correctives de cessation d’un dommage éventuel, mais aussi c’est une manière de faire du maintien de l’intégrité de l’environnement une préoccupation individuelle et collective
En outre, les aspects liés à la détermination, à l’organisation de l’espace rural, à l’élaboration concertée des normes d’utilisation des ressources naturelles et à l’intégration du processus de décentralisation dans les pratiques de gestion des ressources naturelles constituent une façon de consacrer le principe de participation des populations à la gestion rationnelle de leurs espaces et de leur faciliter l’accès aux informations relatives à l’environnement.
Mieux, dans la philosophie du Code rural, cette implication des populations rurales doit se faire jusqu’au niveau le plus bas de la pyramide administrative, à savoir les villages et les tribus.
- Le contenu des droits des opérateurs ruraux sur les ressources naturelles
Les institutions chargées de l’administration et de l’organisation du monde rural, à savoir l’administration publique décentralisée et déconcentrée, les Commissions foncières, le Comité national et les Secrétariats locaux permanents du Code rural, ont pour missions de garantir les droits des populations concernées et d’assurer l’exploitation et la gestion rationnelle des richesses agricoles, sylvicoles et pastorales, notamment (article 109).
Globalement, les droits reconnus aux opérateurs ruraux sont de plusieurs sortes :
-le droit de propriété qui s’exerce sur les terres agricoles, les aménagements hydro-agricoles réalisés par les particuliers sur leur propriété ou sur leur zone où leur communauté exerce une maitrise prioritaire, et les forêts privées ;
-le droit d’usage commun qui consiste pour un groupe d’opérateurs ruraux d’utiliser, de se servir d’une ressource naturelle, sans exclure un ou des membres ;
-le droit d’usage prioritaire qui est un pouvoir d’occupation, de jouissance et de gestion reconnu aux pasteurs sur leur terroir d’attache et qui ne constitue en aucun cas un droit de propriété[7].
-le droit d’accès libre et égal ;
-le droit d’exploitation ;
-le droit de participation à l’organisation de l’espace rural et à l’élaboration des normes d’utilisation des ressources naturelles, expression de la démocratie environnementale qui comporte trois (3) piliers préconisés par l’article 10 de la Déclaration de Rio et l’article 19 de la loi-cadre et qui constitue « une forme de gouvernance qui conduira à l’émergence d’une nouvelle forme de citoyenneté face aux problèmes liés à la protection juridique de l’environnement »[8].
Ces droits qui sont pour l’essentiel coutumiers et dont certains s’inspirent des principes de la Charte mondiale[9] de la nature, des Déclarations de Stockholm et de Rio ainsi que ceux de certaines conventions internationales, s’appliquent à la fois aux ressources naturelles susceptibles d’appropriation par des individus ou des communautés d’individus mais également aux espaces du domaine public dans certaines conditions.
Deuxième exemple, le droit d’exploitation, non synonyme du droit de détruire. Le principe, c’est que les ressources naturelles ne doivent pas être conservées comme un musée mais elles doivent être gérées de façon écologiquement viable. C’est le cas des ressources forestières qui peuvent être exploitées à des fins commerciales ou non commerciales (article 47 de la loi portant régime forestier)
La Déclaration des Principes sur les forêts de 1992 met l’accent sur :
– le caractère indispensable des forêts pour le développement économique et l’entretien de toutes les formes de vie (Préambule) ;
-le rôle social, économique, écologique, culturel et spirituel des ressources et terres forestières (Principe 2 b) : utilité des produits et des services forestiers.
Un autre exemple, c’est le droit de participation. Dans ce cadre, la Déclaration de Rio :
– reconnait le rôle vital des femmes dans la gestion de l’environnement et le développement -et affirme que leur pleine participation est essentielle à la réalisation d’un développement durable (Principe 20).
Le Principe 4 b) de ladite Déclaration invite les Etats à encourager une représentation intégrale des femmes à tous les aspects d’une gestion, d’une conservation et d’une exploitation écologiquement viable des forêts et le Principe général 25 de la Charte mondiale de la nature consacre également ce droit.
Il en est de même pour les Conventions sur la diversité biologique et les changements climatiques (CCNUCC, Préambules, articles 13, 5, 10 et 19) sur les aspects liés au rôle capital des femmes dans la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et la nécessité de leur pleine participation à tous les niveaux, au rôle joué par les organisations non gouvernementales et autres grands groupes, à l’éducation et à la sensibilisation du public, en particulier les femmes et les jeunes ) et la Convention d’Alger (article XIII dédié à l’éducation en matière de conservation).
Qu’il s’agisse du cas des ressources susceptibles d’appropriation ou de celles destinées à l’usage commun ou à un usage prioritaire, l’ordonnance affirme en son article 4 que « les ressources naturelles rurales font partie du patrimoine commun de l’humanité ». A l’article 101, ce texte dispose que « la faune sauvage fait partie du patrimoine commun de la Nation ».
Une lecture combinée de la suite de l’article 101 et de l’article 102, permet de relever l’existence d’une relation de cause à effet entre les deux dispositions. En effet, l’article 101 met l’accent sur l’importance vitale de la faune sauvage en soulignant que « son existence contribue au maintien de l’équilibre écologique et de la biodiversité du milieu naturel. L’article 102 en tire la conséquence en faisant de la protection et de la conservation de la faune sauvage, particulièrement les espèces en danger ou en voie de disparition, un devoir national. Cela fait appel à une conscience nationale pour protéger le bien commun.
L’article 6 alinéa 1 de la loi n°98-056 reprend à peu près la même formulation en ces termes : « les ressources naturelles notamment hydrauliques, forestières, fauniques, halieutiques, et d’une manière générale l’environnement font partie du patrimoine commun de la Nation ».
Cette notion a ses pendants au niveau international, à savoir les concepts de « patrimoine commun de l’humanité » et de « bien public mondial ».
L’expression « patrimoine commun de l’humanité » qui ne figure ni dans la Déclaration de Stockholm, ni dans celle de Rio, mais dont la logique a fait écho dans la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques et surtout celle portant sur la biodiversité de 1992, « exprime une double solidarité »[10]. L’adjectif « commun » « traduit une solidarité transnationale dépassant les solidarités interétatiques »[11]. Quant au terme « patrimoine », « il évoque une solidarité trans-temporelle, entre les générations présentes et les générations futures »[12].
On peut dire que la notion de patrimoine introduit un élément moral et juridique dans la protection et la conservation de l’environnement. Elle permet d’identifier des éléments de l’environnement dont on entend assurer la conservation et la gestion en bon père de famille. Elle fait appel à l’idée « d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés et que nous devons transmettre intact aux générations qui nous suivent ».
Le concept de « bien public mondial ou global »[13] n’a pas de signification juridique propre sur le plan du droit international.
Toutefois, sur le plan économique, on a recours à la définition formalisée par l’économiste Paul Samuelson en 1954, à partir de deux propriétés principales des biens publics : la non-rivalité dans la consommation, ce qui signifie que la consommation du bien par un individu n’empêche pas sa consommation par un autre individu ; la non-exclusivité de la consommation, ce qui traduit l’idée qu’il est impossible d’exclure un individu de la consommation de ce bien.
Ainsi, selon L.Tubiana et J.-M.Severino, « les biens publics globaux purs sont des biens publics purs universels, c’est-à-dire des biens qui peuvent entre consommés en même temps par l’ensemble de la population mondiale »[14]. Et ces deux auteurs de citer comme exemples la paix, le maintien de la capacité d’absorption de gaz à effet de serre de l’atmosphère, notamment. Pour certains, « selon le consensus actuel, il en existe deux : la qualité du climat[15] et la biodiversité ». Pour d’autres, la gestion de la forêt tropicale oscille entre patrimoine national et bien public global »[16].
Lorsqu’on fait le parallèle au niveau national, on peut dire que le concept de « patrimoine commun de la Nation » a été mis en avant par le législateur pour que l’Etat ou la communauté nationale puisse devenir maitresse des ressources naturelles rurales et de l’environnement en général. Pour preuve, l’article 6 alinéa 2 de la loi-cadre dispose que « l’Etat exerce un droit souverain sur les ressources génétiques se trouvant sur son territoire ». Mieux, l’article 35 de la Constitution nigérienne, après avoir affirmé que « toute personne a droit à un environnement sain », précise que « l’Etat a l’obligation de protéger l’environnement dans l’intérêt des générations présentes et futures », ce qui renvoie aux idées de « patrimoine commun » et de « bien public national ». Ici, on veut non seulement créer une solidarité nationale dépassant les solidarités individuelles mais aussi une solidarité trans-temporelle, entre les générations présentes et les générations futures. En plus, la notion de « patrimoine commun de la Nation » signifie aussi que l’utilisation des ressources naturelles rurales n’est pas attribuée à un seul individu (non-rivalité) ou à un seul groupe social et aucune personne ne peut en être exclue (non-exclusion). C’est pourquoi, les droits d’usage commun (espaces réservés au parcours, aux pâturages et au pacage) et prioritaire (ressources situées sur le territoire d’attache des pasteurs) et les servitudes (terres agricoles) sont consacrés.
Plusieurs conséquences découlent de la notion de « patrimoine commun de la Nation » :
-l’égal accès aux ressources naturelles sans discrimination de sexe ou d’origine sociale ;
-le droit souverain de l’Etat sur ces ressources ;
-le consentement préalable de l’Etat pour l’accès à ces ressources ;
-le partage équitable des résultats de recherche sur les ressources génétiques, de leur mise en valeur ainsi que des bénéfices résultant de leur exploitation commerciale.
S’agissant de l’exercice des droits, le Code rural nigérien a aménagé les rapports entre opérateurs ruraux dans un souci de sécurisation foncière et dans la perspective de la protection de l’environnement, notamment.
A l’article 23 de l’ordonnance précitée, il est consacré le principe du libre accès des pasteurs, propriétaires ou gardiens du capital-bétail aux ressources naturelles. Cependant, la liberté d’accès que la ressource naturelle est livrée à elle-même.
Ainsi, l’article 24 reconnait aux pasteurs le droit d’usage commun des espaces globalement réservés au parcours, aux pâturages, au pacage, des chemins, pistes de transhumance et couloirs de passage, sous réserve du respect de la propriété privée et des espaces protégés (articles 25 et 26). Toutefois, les droits de parcours ne peuvent s’exercer dans les espaces suivants (article 69) :
-les forêts aménagées ;
-les périmètres de restauration ;
-les terrains repeuplés artificiellement ou reboisés ;
-les parcelles portant des boisements de moins de cinq (5) ans ;
-les parties de forêts classées incendiées, pendant cinq (5) ans après l’incendie.
Le même code reconnait aux éleveurs un droit d’usage prioritaire, par rapport à toutes les ressources situées sur leur terroir d’attache, sous réserve du respect de l’accès des tiers aux points d’eau, du droit de parcours et de pacage.
Aussi, l’ordonnance fixant n°93-015 permet aux éleveurs ainsi que leurs troupeaux l’accès aux ressources hydrauliques. Cet accès est assuré aussi bien par les personnes privées que par les collectivités publiques grâce à l’aménagement des points d’eau et des stations de pompage (article 50).
On se trouve ici dans une situation où un individu, un groupe d’individus ou une collectivité territoriale peut se voir reconnaitre le droit de prendre l’initiative d’aménagement d’un point d’eau mais avec l’accord des communautés éventuellement titulaires de l’usage prioritaire sur l’espace concerné et l’autorisation administrative du service compétent (article 51).
Dans ce cas de figure, aux termes de l’article 53, les points d’eau sont la propriété soit des individus, soit de leur groupement, soit des communautés disposant du droit d’usage prioritaire.
Concernant les forêts[17]privées, l’article 63 dispose que « les particuliers, propriétaires de terrains boisés ou de forêts y exerceront tous les droits résultant de leur titre de propriété si leurs pratiques ne présentent aucune menace pour l’équilibre de l’environnement ni un danger quelconque pour le public ». En outre, l’article 65 reconnait aux collectivités coutumières des droits d’usage coutumiers qu’elles peuvent exercer dans le domaine forestier protégé, y compris les chantiers forestiers, sans que les exploitants de ces chantiers puissent prétendre, à ce titre, à aucune compensation ».
Ces droits d’usage coutumiers ne couvrent pas les périmètres de restauration et les forêts domaniales qui relèvent du domaine public (articles 66 et 67).
Toutefois, s’agissant des forêts domaniales, les collectivités coutumières se voient reconnaitre les droits de ramassage du bois mort, la récolte des produits d’exsudation, des fruits, des plantes médicinales et alimentaires et ceux reconnus par les actes réglementaires de classement. Là encore, l’exercice de ces droits est toujours subordonné à l’état et à la possibilité des forêts, notamment lorsque le parcours d’animaux domestiques présente un danger pour les peuplements (article 69).
Également, les collectivités coutumières bénéficient d’un droit d’exploitation commerciale des produits autres que le bois de karité, gommiers, kapokiers, palmiers et autres essences dont les récoltes leur appartiennent traditionnellement, sous réserve que les récoltes soient faites de manière à ne pas nuire aux végétaux producteurs (article 70).
Mieux, l’exploitation des forêts domaniales par des sociétés ou des particuliers, notamment dans un but commercial ou industriel, est permise selon les modalités prévues par la loi.
Ces différentes dispositions renvoient au Principe 4 a) de la Déclaration de principes sur les forêts qui invite les Etats à reconnaitre et protéger, dans leurs politiques forestières, les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les habitants des forêts. Ces groupes doivent être mis dans les conditions d’être économiquement intéressés à l’exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de jouir des moyens d’existence et d’un niveau de vie adéquat, notamment grâce à des régimes fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forêts.
Pour ce qui est des terres agricoles, le propriétaire a la maitrise exclusive de son bien, sous réserve du respect des lois et règlements en vigueur portant notamment sur la mise en valeur et la protection de l’environnement (article 14).
Le sol et tout ce qui s’unit à lui, naturellement ou artificiellement (couvert végétal, aménagement divers réalisés par l’homme), lui appartiennent et, les seules limites sont les servitudes pour permettre l’accès des tiers à l’eau et aux pâturages et l’expropriation pour cause d’utilité publique.
La problématique du rapport entre l’opérateur rural et la ressource naturelle ne s’analyse pas seulement sous l’angle des droits reconnus au propriétaire ou à l’exploitant non propriétaire. Elle est également vue sous l’angle des obligations.
Cela nous amène à étudier la question de l’obligation de mise en valeur du patrimoine naturel et ses conséquences.
- L’obligation de mise en valeur du patrimoine naturel et ses conséquences
Cette charge découle du principe de l’obligation de protéger l’environnement et les ressources naturelles qui est un des sept (7) principes fondamentaux du droit de l’environnement.
Ce principe pose des obligations générales aussi bien pour les Etats que pour les individus et les sociétés industrielles. Il est subdivisé en quatre (4) éléments constitutifs à savoir :
-le droit de l’Homme à l’environnement ;
-le droit des générations futures ;
-l’obligation de préserver les ressources naturelles communes ;
-et le droit souverain des Etats sur leurs propres ressources.
Toutes ces obligations sont contenues dans les textes internationaux et les textes nationaux réglementant la gestion des ressources naturelles.
La Déclaration de Stockholm souligne la responsabilité principale des autorités locales et des gouvernements par rapport aux politiques et à l’action à mener en matière d’environnement dans les limites de leur juridiction (Préambule) et la responsabilité particulière de l’homme dans la sauvegarde et la sage gestion du patrimoine naturel (article 4).
La Charte mondiale de la nature relève la nécessité des mesures appropriées aux niveaux national et international, individuel et collectif, privé et public pour protéger la nature.
La Déclaration de Rio proclame que :
– « les Etats doivent promulguer des mesures législatives efficaces en matière d’environnement » ;
– « les normes écologiques, les objectifs et les priorités pour la gestion de l’environnement devraient être adaptés à la situation en matière d’environnement et de développement à laquelle ils s’appliquent » (Principe 11).
Dans son Préambule, la Déclaration de principes sur les forêts affirme la responsabilité de l’Etat et de ses différents échelons administratifs dans la gestion, la conservation et l’exploitation viable des forêts.
Certes, les lois et réglementations relatives à l’environnement ont leur importance, mais « elles ne peuvent régler à elles seules les problèmes de l’environnement considéré dans le contexte du développement »[18].
D’où le recours à « des habits neufs pour les politiques environnementales »[19], à savoir les outils économiques, financiers et fiscaux très développés en Europe, préconisés par l’article 16 de la Déclaration de Rio.
Au niveau du dispositif conventionnel, la CNUDB réaffirme, dans son Préambule, la responsabilité des Etats dans la conservation de leur diversité biologique et l’utilisation durable de leurs ressources biologiques et la CCNUCC, également dans son Préambule, relève le rôle crucial des gouvernements nationaux dans la lutte contre la désertification et dans l’atténuation des effets de la sécheresse. En outre, dans la Convention d’Alger, en ses articles IV, V, VI et VII, les Etats s’engagent à prendre des mesures efficaces et nécessaires et à instituer des politiques de conservation, d’amélioration, d’utilisation et de développement des ressources naturelles (sols, eaux, flore et faune).
Sur le fondement des normes internationales environnementales, le Niger s’est doté des lois, règlements et institutions adaptés au contexte de l’heure. Parmi ces outils, figure le Code rural, un véritable levier juridique qui est le résultat d’un long processus participatif et consensuel. Ce dernier place la protection de l’environnement au centre des préoccupations du gouvernement dans le cadre des activités rurales.
L’article 7 de la Loi-cadre précitée qui fait partie du Code Rural considère la protection des ressources naturelles et d’une manière générale de l’environnement comme une action d’intérêt général favorable à un développement durable.
En outre, ce texte, en son article 8, dispose que « la protection et la mise en valeur de l’environnement font partie intégrante de la Stratégie Nationale de Développement ».
L’obligation de mise en valeur implique une gestion rationnelle des ressources naturelles rurales assurant leur protection et leur optimisation.
La mise en valeur fait l’objet de contrôle et est assortie de sanctions.
Cela nous conduit à analyser d’abord la question de la gestion rationnelle des ressources naturelles rurales (A), et ensuite celle du contrôle et de la sanction de la mise en valeur(B).
- La gestion rationnelle des ressources naturelles rurales
Le caractère vital des systèmes naturels et la nécessité de les gérer rationnellement, de maintenir leur productivité optimale et continue et de préserver leur intégrité sont reconnus par plusieurs instruments internationaux.
La déclaration de Stockholm affirme dans son Préambule que :
– « l’homme est à la fois créature et créateur de son environnement » ;
– « les deux éléments de son environnement, l’élément naturel et celui qu’il a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même ;
-chaque citoyen, chaque collectivité, chaque entreprise, à quelque niveau que ce soit, doit assumer ses responsabilités en matière de sauvegarde de l’environnement et les taches doivent être équitablement partagées.
Dans son Préambule, la Charte mondiale de la nature proclame que :
– « l’humanité fait partie de la nature et la vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la source d’énergie et de matières premières » ;
– « toute forme de vie est unique et mérite d’être respectée et, afin de reconnaitre aux autres organismes vivants cette valeur intrinsèque, l’homme doit se guider sur un code moral d’action » ;
-l’homme doit « maintenir l’équilibre et la qualité de la nature et conserver les ressources naturelles ».
En ses principes 1 à 4 et 10, elle consacre les obligations de la conservation de la nature et de la gestion rationnelle des écosystèmes et des organismes dans le but d’assurer leur préservation et leur productivité optimale et continue.
La Déclaration de principes sur les forêts affirme, dans son Préambule, que « les forêts sont indispensables au développement économique et à l’entretien de toutes les formes de vie ».
En son principe 1 b), elle dispose que « les ressources et les terres forestières doivent être gérées d’une façon écologiquement viable afin de répondre aux besoins sociaux, économiques, culturels et spirituels des générations actuelles et futures ».
Pour ce qui est des textes conventionnels, dans la CNUDB, les Etats se sont engagés à assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique à travers l’élaboration des stratégies, plans ou programmes nationaux (article 6).
Dans le Préambule de la Convention d’Alger, les Etats africains, pleinement conscients de l’importance grandissante des ressources naturelles sur les plans économique, nutritif, scientifique, éducatif, culturel et esthétique, ont exprimé leur désir d’entreprendre une action individuelle et collective en vue de la conservation, de l’utilisation et du développement de ce capital irremplaçable par l’établissement et le maintien de son utilisation rationnelle pour le bien-être présent et futur de l’humanité.
Le Niger, ayant participé à toutes les Conférences mondiales sur l’environnement, les changements climatiques et le développement durable a pris des dispositions pour sauvegarder son patrimoine naturel. C’est ainsi qu’il a institué l’obligation de contribuer à la mise en valeur à la charge de tous les opérateurs ruraux qui mènent des activités sur les ressources naturelles rurales. Cette mise en valeur implique une gestion rationnelle des ressources aux fins d’assurer leur protection et leur optimisation.
Cette obligation a un fondement constitutionnel et légal. En effet, l’article 35 de la Constitution nigérienne du 25 novembre 2010 prévoit de façon générale que « chacun est tenu de contribuer à la sauvegarde et à l’amélioration de l’environnement dans lequel il vit ». En outre, l’article 37 oblige les entreprises nationales et internationales à respecter la législation environnementale nationale en vigueur, à protéger la santé humaine et à contribuer à la sauvegarde ainsi qu’à l’amélioration de l’environnement.
Au niveau des autres lois et des règlements, globalement c’est le Code Rural, en particulier l’ordonnance n° 93-015 du 2 mars 1993 fixant les principes d’orientation du Code rural, la loi n°98-056 du 29 décembre 1998, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, la loi n°2004-040 du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger, la loi n°2004-048 du 30 juin 2004, portant loi cadre relative à l’Elevage, et le décret n° 97-006/PRN/MAG/E du 10 janvier 1997, portant réglementation de la mise en valeur des ressources naturelles rurales, qui sont concernés.
L’obligation de gestion rationnelle, de protection et d’optimisation concerne toutes les ressources naturelles telles que définies par l’article 2 de l’ordonnance n°93-015.
C’est le Chapitre II du décret n°97-006 qui est dédié à la mise en valeur.
Les articles 5 et 6 de ce texte définissent la notion de mise en valeur et les opérations qui la caractérisent, en ce qui concerne les terres agricoles.
Ainsi, pour ces dernières, la mise en valeur consiste en toute activité matérielle de l’homme en vue de la mise en culture desdites terres suivant des moyens propres à les protéger, les restaurer et en améliorer la qualité productive et le rendement.
Il en résulte que les actions suivantes, non limitatives, peuvent être considérées comme opérations de mise en valeur :
-la défense et restauration des sols ;
-la conservation des eaux des sols ;
-la protection des sols contre l’érosion ;
-l’enrichissement des sols par l’apport d’intrants de toute nature ;
-la régénération des sols par la mise en jachère.
Cette obligation pèse à la fois sur le propriétaire de la terre et sur l’exploitant non propriétaire.
L’article 10 alinéa 1 du décret définit la mise en valeur des ressources pastorales comme toutes actions ou activités matérielles par lesquelles un éleveur exploite les pâturages et l’eau pour accroitre ou améliorer la production et la reproduction du capital-bétail tout en favorisant et en respectant le cycle de renouvellement de ces ressources.
La réalisation d’ouvrages hydrauliques, de pâturages et d’enclos notamment constitue une activité de mise en valeur du capital-bétail (article 11, alinéa 1).
L’obligation de mise en valeur concerne principalement les espaces sur lesquels les communautés des pasteurs jouissent d’une maitrise prioritaire (articles 27 de l’Ordonnance et 11, alinéa 2 du Décret).
Les communautés de pasteurs doivent assurer la protection et la réhabilitation des ressources hydrauliques, des pâturages et du couvert végétal (article 27).
Les pasteurs doivent contribuer à la conservation des dépendances domaniales ouvertes à l’usage commun notamment les chemins, les couloirs de passage, les aires de pâturage, les points d’eau pastoraux (article 12 du Décret).
Le propriétaire du capital-bétail doit assurer une exploitation rationnelle de son bien dans le respect de l’environnement et des droits des tiers (article 14).
L’article 16 du Décret prévoit que le propriétaire du capital-bétail peut confier à un tiers la mise en valeur de ce dernier. Dans ce cas, l’exploitant non propriétaire est tenu aux mêmes obligations de mise en valeur que le propriétaire.
S’agissant des ressources végétales, la mise en valeur des forêts privées, au sens de l’article 18, s’entend de toutes activités ou actions matérielles de l’homme tendant à l’exploitation rationnelle et durable, à la protection, à la conservation et à la reconstruction desdites forêts.
Les particuliers propriétaires de forêts ou de terrains boisés doivent tout mettre en œuvre pour conserver ceux-ci en utilisant de façon optimale toutes les techniques appropriées de protection (article 21).
L’exploitant non propriétaire supporte sur la forêt ou sur le terrain boisé qui lui est confié les mêmes obligations que le propriétaire (article 25).
En ce qui a trait aux ressources hydrauliques, la mise en valeur s’entend de toute action et de toute activité de l’homme tendant à l’exploitation rationnelle et durable, à la protection, la conservation et la restauration desdites ressources (article 27).
Les communautés villageoises ou rurales et les particuliers, les propriétaires des points d’eau ont le devoir d’entretenir, de protéger les points d’eau et de les gérer rationnellement (article 28).
Enfin, aux termes de l’article 33, « la mise en valeur des ressources fauniques et halieutiques faisant partie des ressources animales consiste en toutes actions ou activités qui permettent à l’homme d’avoir accès à l’exploitation de ces ressources et de participer à leur protection ». Elle incombe essentiellement aux pouvoirs publics mais les droits d’exploitation sont reconnus aux particuliers par les us et coutumes (article 34). A cela, il faut ajouter l’article 6 de la Loi-cadre relative à l’élevage qui prescrit que « toutes les dispositions doivent être prises pour assurer un équilibre harmonieux entre la faune sauvage et son habitat ».
Les opérations de lutte contre les feux de brousse et le braconnage, de réintroduction des espèces disparues ou en danger, de protection des aires protégées et de la faune, par exemple, peuvent être considérées comme des actions de mise en valeur de ces ressources.
- Le contrôle et la sanction de la mise en valeur
Au sens des articles 112 alinéa 1 et 36 respectivement de l’ordonnance n°93-015 et du décret n°97-007, le contrôle de l’effectivité de la mise en valeur des ressources naturelles rurales est effectué par les institutions en charge de l’encadrement administratif et de l’organisation du monde rural à savoir : les autorités déconcentrées et décentralisées, le Comité National du Code rural institué par l’article 122 de l’ordonnance susvisée, le Comité Consultatif, les Secrétariats permanents national, départementaux et communaux et les Commissions foncières (COFO) créées par l’article 118 de ladite ordonnance.
L’article 112 précise que les autorités décentralisées et déconcentrées doivent créer, dans leurs entités territoriales respectives, les services administratifs et techniques nécessaires à l’exercice de leurs missions, notamment les COFO et les Secrétariats permanents.
C’est un dispositif original conçu depuis le village, la tribu, jusqu’au niveau national.
L’article 27 du même texte dispose que « les autorités locales contrôlent le respect des mesures de protection de l’environnement ».
L’effectivité de la mise en valeur donne lieu à un contrôle périodique organisé par les commissions foncières (article 36 du décret).
L’initiative du contrôle appartient principalement à la COFO mais la décision peut être provoquée par l’intervention d’un tiers -individu ou communauté- (article 44 du décret).
Chaque COFO met en place une structure légère permanente chargée des taches courantes (article 43).
Ce pouvoir de contrôle qui peut être général et ponctuel en cas de demande de transformation d’une concession rurale en droit de propriété (article 38), doit impérativement prendre en compte les contingences locales et conjoncturelles (article 37).
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, chaque COFO peut déterminer, pour une période donnée, le contenu et les critères de la mise en valeur des ressources rurales (article 40 alinéa 1).
A cet effet, elle veille à ce que ceux-ci soient suffisants pour assurer, non seulement la conservation des ressources mais aussi leur exploitation optimale et durable (article 39 alinéa 2).
Les enquêtes et les inspections périodiques ou inopinées constituent les modalités de contrôle et dans ce cadre la COFO peut requérir les avis de toute personne et s’entourer des ressources humaines compétentes avant de prendre ses décisions (article 40).
Pour y parvenir, les COFO instituent à la charge des opérateurs ruraux, un système adapté de déclarations individuelles portant sur les opérations engagées au titre de la valorisation des ressources sur lesquelles ils exercent respectivement leurs droits. Ensuite, elles apprécient chacune des déclarations et vérifient sur le terrain leur conformité (article 41).
Les opérations de contrôle donnent lieu à la rédaction d’un procès-verbal versé au dossier rural du lieu concerné (article 45).
A l’issue du contrôle, s’il est établi que l’opérateur rural propriétaire ou exploitant non propriétaire ne respecte pas ses obligations, il peut être privé de la jouissance du fonds.
Cependant, cette sanction ne peut intervenir qu’à la suite d’une mise en demeure d’abord verbale dont la mention doit être faite dans le procès-verbal, puis lorsque celle-ci n’est pas suivie d’effet, à la suite d’une mise en demeure écrite versée au dossier rural.
Après une mise en demeure écrite infructueuse, la COFO prend une décision écrite versée au dossier rural. Dans ce dernier cas, la privation de la jouissance du fonds intervient soit à l’issue du cycle cultural suivant soit en cas d’activité non agricole au terme de la période nécessaire à la mise en valeur telle que déterminée par la COFO (articles 46 et 48).
En cas de constat d’absence ou d’insuffisance de mise en valeur, la COFO est autorisée à confier l’usage de la ressource naturelle rurale à un tiers désigné par le propriétaire ou à défaut par les autorités administratives décentralisées après avis conforme de la COFO (article 49 alinéa 1).
Toutefois, le texte précise qu’« en aucun cas, l’absence ou l’insuffisance de mise en valeur ne peut entrainer la perte du droit de propriété du propriétaire (article 41 alinéa 2).
En plus, le transfert de l’usage ou de la jouissance d’une ressource naturelle rurale à l’exploitant désigné fait l’objet, à peine d’inopposabilité aux tiers, d’une mention au dossier rural créé par l’ordonnance (article 49, alinéa 3).
L’exploitant non propriétaire encourt les mêmes sanctions que le propriétaire (article 50 alinéa 1).
A défaut par lui de respecter ses obligations, la COFO peut mettre fin au contrat d’exploitation de la ressource rurale considérée après une mise en demeure infructueuse soit à l’issue du cycle cultural suivant, soit en cas d’activité non agricole, au terme de la période nécessaire à la mise en valeur (article 50, alinéa 2).
La fin du contrat doit faire l’objet d’une mention au dossier rural (article 50, alinéa 3).
La mise en valeur réalisée par un exploitant non propriétaire ne saurait suffire à opérer un transfert de propriété à son profit (article 50, alinéa 4).
Pour finir avec le régime de sanction, l’article 51 du décret prévoit des sanctions graduées à l’encontre de tout opérateur rural qui aura commis des actions destructives des ressources naturelles :
-la mise en demeure ;
-l’amende de 10.000F à 50.000F ;
-le retrait provisoire n’excédant pas trois mois ou définitif du droit d’usage prioritaire.
Aux termes de l’article 47, les décisions d’une COFO sont des actes administratifs, susceptibles de recours administratifs et de recours pour excès de pouvoir.
Ouvrages et articles :
-PETIT (Yves), Le droit international de l’environnement à la croisée des chemins : globalisation versus souveraineté nationale, RJE 1/2011, p.32.
François Lessard, Monétiser l’environnement pour faire évoluer nos comportements éthiques, Mémoire de Maitrise en éthique publique, Université Saint-Paul, Ottawa, 2017, p.8.
– KONATE (Aenza), pour une démocratie environnementale en Afrique : de nouveaux droits de citoyenneté indispensables à l’effectivité du droit de l’environnement, RADE, N°01/2014, p.38
Maljean-Dubois (Sandrine) (dir), 2002, L’outil économique en droit international et européen de l’environnement. La Documentation française, Paris, 513 p.
Législation :
-Déclaration de Stockholm sur l’environnement, Juin 1972.
-Charte Mondiale de la nature, New York, octobre 1982.
-Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, Rio, 1992.
-Déclaration de principes sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, Rio, juin 1992.
-Agenda 21 ou Action 21, Rio, 1992.
-Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Rio, 11 juin 1992.
-Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, Rio, 11 juin 1992.
-Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, Alger, 15 septembre 1968.
-Constitution de la République du Niger du 25 novembre 2010.
-ordonnance n°93-015 du 2 mars 1993, portant principes d’orientation du Code Rural.
-loi n°98-056 du 29 décembre 1998, portant loi-cadre relative à la Gestion de l’Environnement.
– loi n°2004-040 du 8 juin 2004, portant régime forestier au Niger.
– loi n°2004-048 du 30 juin 2004, portant loi cadre relative à l’Elevage.
-décret n° 97-006/PRN/MAG/E du 10 janvier 1997 portant réglementation de la mise en valeur des ressources naturelles rurales qui sont concernés.
-décret n°97-007/PRN/MAG/EL du 10 janvier 1997, fixant le statut des terroirs d’attache des] Cité par Yves PETIT, Le droit international de l’environnement à la croisée des chemins : globalisation versus souveraineté nationale, RJE 1/2011, p.32.
[2] François Lessard, Monétiser l’environnement pour faire évoluer nos comportements éthiques, Mémoire de Maitrise en éthique publique, Université Saint-Paul, Ottawa, 2017, p.8.
[3] Ibid, p.9
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Leblond, 2014. Cité par François Lessard, op cit, p.8.
[7] Article 4, Décret N°97-007/PRN/MAG/EL du 10 janvier 1997 fixant le statut des terroirs d’attache des pasteurs.
[8] Aenza KONATE, pour une démocratie environnementale en Afrique : de nouveaux droits de citoyenneté indispensables à l’effectivité du droit de l’environnement, RADE, N°01/2014, p.38.
[9] Sont considérées comme ressources forestières, les forêts, les terres à vocation forestière et les parcs agro-forestiers (article 4 alinéa 2 Loi portant régime forestier au Niger.
[10] Yves PETIT, le droit international de l’environnement à la croisée des chemins : globalisation versus souveraineté nationale, RJE, 2011/1, volume 36, p.35.
[11] Ibid.
[12] Ibid.
[13] Sur l’ensemble de la question, v. not.l.Kaul.I.Grunberg.M.A.Stern, Les biens publics mondiaux .La coopération internationale au XXIème siècle.Economica, 2002, 272 pages.Cité par Yves PETIT, op cit p.37.
[14] L.Tubiana, J.-M.Severino. Biens publics globaux, gouvernance mondiale et aide publique au développement, préc., p.354.Cité par Yves PETIT, op cit p.38.
[15] Sur la qualité du climat en tant que « bien collectif global », v. égal.R. Guesnerie, « Les enjeux économiques de l’effet de serre », Conseil d’analyse économique, Rapport n°39, Kyoto et l’économie de l’effet de serre, 2003, La Documentation française, p.21.Cité par Yves PETIT, ibid.
[16] S.Guéneau, « La forêt tropicale : entre fourniture de bien public global et régulation privée, quelle place pour l’instrument de certification ? », in S.Maljean-Dubois, L’outil économique en droit international et européen de l’environnement, CERIC-La Documentation francaise, coll.Monde européen et international, 2002, p.391.Cité par par Yves PETIT, ibid.
[17] L’article 4 de la Loi N°2004-040 du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger définit les forêts comme des « terrains comportant des formations végétales composées d’arbres, d’arbustes et d’autres végétaux non agricoles ».
[18] Agenda 21, Chaitre 8, 8.27.
[19] Voir Sandrine Maljean-Dubois(dir), 2002, L’outil économique en droit international et européen de l’environnement. La Documentation française, Paris, 513 p.
Par HAMIDINE ABOU MAMANE, Magistrat
Conseiller à la Cour d’Appel de Niamey,
Diplômé de 3ème Cycle en Droit International et Relations Internationales de la Faculté de Droit et des Sciences Administratives de BEN AKNOUN (Université d’Alger I)