Etymologiquement, le terme conciliation dérive de l’expression latine << conciliaire >> qui signifie << assembler, unir, associer à >> et non << s’assembler, s’unir, s’associer >>.
Autrement dit, il y a toujours quelqu’un qui assemble, qui unit. Cela veut dire qu’il n’existe pas d’association mutuelle autonome dans la conciliation.
La conciliation est un acte de justice. Celle-ci est à la recherche de la paix entre les deux parties car la paix est la première idée de justice.
C’est un mode de solution consensuelle en ce sens qu’elle privilégie la libre et directe discussion entre les parties. C’est une technique efficace dans la recherche de la célérité qui peut être utilisée même en matière pénale. C’est le phénomène de la contractualisation ou de « déjudiciarisation », observé dans le droit belge et le droit hollandais, qui vise à retirer aux juridictions étatiques certains litiges pour les soumettre à d’autres modes de règlement plus adaptés. Cependant, il y a lieu de distinguer la conciliation d’autres modes voisins, car on a tendance souvent à les confondre. Il s’agit de l’arbitrage[1], de l’expertise [2] et de la médiation[3].
- Abdou Diouf, ancien Président de la République du Sénégal, a relaté les vertus de la conciliation lors de la rentrée des cours et tribunaux de 1997, en ces termes : « la conciliation est un mode traditionnel de règlement des litiges dans nos sociétés. L’art de la concertation fait le génie africain. Pourquoi ne pas cultiver nos traditions, lorsqu’il se trouve qu’elles répondent précisément à un besoin des sociétés…il faut favoriser chaque fois que possible le règlement non juridictionnel des litiges ».
L’intérêt d’y recourir se justifie par le fait que la solution juridictionnelle n’est pas toujours la meilleure et peut même souvent dégrader les rapports entre les parties ou entre le juge et les parties, celle d’entre ces dernières qui aura perdu ayant généralement « une dent » contre le juge ou même contre son adversaire. Le constat d’évidence, c’est que tout jugement fait apparaitre un vainqueur et un vaincu. Cette situation laisse, en général, des séquelles, des traces dans les relations ultérieures entre les parties et, comme nous l’avons déjà dit, peut malheureusement concerner le juge lui-même. La conciliation a, par contre, l’avantage d’être simple, paisible et peu coûteuse.
La conciliation est également un acte d’autorité et elle découle de la notion de ‘’ justice commutative ‘’ inventée par Thomas d’Acquin, le terme ‘’ commutatio’’ relevant de l’échange.
Ainsi, il appartient au juge d’apporter la correction pour qu’il y ait justice dans l’échange, rétablissant ainsi l’équilibre dans un ordre naturellement déséquilibré.
La conciliation apparait, de ce point de vue, non pas comme un mode alternatif à la justice mais comme un mode alternatif au procès.
Elle constitue aussi un mode horizontal de règlement des conflits en ce sens qu’elle associe les parties à la résolution des litiges.
Il ne s’agit donc pas d’une approche verticale permettant à l’autorité de trancher souverainement le différend.
Avec la conciliation, on retrouve les mêmes problématiques qu’avec la justice traditionnelle.
Si le législateur nigérien continue de reconnaitre aux chefs traditionnels un pouvoir de conciliation en matière foncière et dans le domaine coutumier en général, ce n’est pas un fait du hasard. En réalité, la conciliation participe du génie africain à travers la pratique de ‘’ l’arbre à palabres ‘’qui permettait autrefois de régler à l’amiable tous les problèmes de la communauté autour d’un chef.
Cela étant dit, comment la conciliation est-elle organisée par les textes au Niger (I) ?
C’est le premier intérêt de cette étude.
Ensuite, et c’est le second intérêt de ce travail, quel rôle les autorités coutumières et judiciaires doivent-elles jouer dans le cadre de cette conciliation (II) ?
- La consécration légale de la conciliation
De manière expresse, ce mode de règlement non juridictionnel des conflits est prévu et organisé par deux textes, entre autres, dans la matière foncière.
Il s’agit de la loi n°63-18 du 22 février 1963 [4] ,fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière civile et commerciale et de l’ordonnance n°93-028 du 30 mars 1993 [5], portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger, modifiée et complétée par la loi n°2008-22 du 23 juin 2008.
Il importe de préciser que la loi organique n° 2004-050 du 22 juillet 2004 [6] fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ne fait pas expressément cas de la conciliation tout comme elle ne l’a pas supprimée.
Bien plus, en filigrane, on considère que du fait de la non-abrogation de la loi n°63-18 par la loi N°2004-050, la première subsiste dans toutes ses dispositions, et donc la conciliation fait toujours partie du droit positif nigérien.
- La loi n°63-18 du 22 février 1963
Elle a le mérite d’avoir survécu à la loi N°2004-050, contrairement à la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 [7] fixant l’organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger et les textes modificatifs subséquents qui ont été purement et simplement abrogées.
Il faut s’en féliciter d’ailleurs, car l’abrogation de ce texte très usité par les juridictions, surtout les tribunaux d’instance, à défaut d’un autre texte qui le remplace, aurait laissé un grand vide.
La loi n° 63-18 est un instrument indispensable en ce qu’elle permet de régler beaucoup de problèmes qui se posent au juge de paix ou juge de proximité.
C’est un véritable outil de régulation et de paix sociales et la traduction parfaite de ce rôle est perceptible au niveau de la conciliation que ce texte a consacrée.
Toutefois, il convient de préciser que la notion de conciliation, en droit positif nigérien, remonte à la loi n° 62-12 du 16 mars 1962 dont certaines dispositions ont été reprises par la loi n° 63-18.
Cette notion a évolué quant aux autorités légalement habilitées à concilier les parties.
Ainsi, jusqu’à la loi n°62-12 du 16 mars 1962 puis la loi n° 64-12 du 18 mars 1964 modifiée par l’ordonnance n° 75-7 du 28 janvier 1975 , il est fait application de l’ article 78 [8] de la loi n°62-11 du 16 mars 1962 qui prévoyait que le règlement à l’amiable des différends se fait, au choix des parties, devant les autorités administratives (préfet, sous-préfet, chef de poste administratif) ou traditionnelles (chef de canton ou de groupement, chef de village ou de tribu), préalablement à la saisine du juge.
Il s’agissait d’une faculté offerte aux parties dans le domaine du foncier rural.
Cependant, même à cette époque, pour que cette conciliation, nécessairement constatée par écrit, soit rendue exécutoire, il faut une ordonnance du juge prise à la requête de la partie la plus diligente.
Précisons que depuis cette époque, le juge lui-même disposait d’un pouvoir de conciliation et, bien plus, le préliminaire de conciliation est même obligatoire sauf dans les questions intéressant l’Etat, le domaine public, les communes et les établissements publics où la loi prévoyait la dispense.
Depuis l’abrogation de la loi n° 62-11, seules les autorités coutumières et judiciaires conservent leur pouvoir de conciliation.
S’agissant des autorités judicaires, la loi n° 63-18 a prévu deux modalités de conciliation qui peuvent avoir lieu devant le juge.
- La conciliation prévue à l’article 6 [9]:
Une fois l’affaire foncière portée devant lui, le juge essaie de réunir les parties sans formalisme particulier.
Il lui appartient d’apprécier la manière par laquelle il les appellera. En principe, la conciliation se fait en présence des deux parties, mais celles–ci peuvent justifier d’excuses valables admises par le juge et, dans ce cas, ce sont leurs mandataires qui comparaitront.
Une fois les protagonistes ou leurs représentants réunis, la conciliation peut commencer.
Toutefois, celle-ci peut réussir, tout comme elle peut échouer, selon l’état d’esprit des acteurs et le génie créateur du juge.
Lorsqu’on se place dans l’hypothèse prévue par l’article 6, c’est- à- dire celle où la conciliation aura abouti, un procès-verbal sera, en principe, dressé, lequel contiendra les conventions des parties qui auront force exécutoire.
Le procès-verbal, qui doit remplir des conditions de forme et de fond, formalise en quelque sorte l’accord amiable intervenu entre les parties.
Cependant, on ne peut l’assimiler à un jugement car, le juge, même s’il est signataire dudit procès-verbal, n’a pas accouché du contrat ou de la conciliation qui est la seule affaire des parties.
Dans l’arrêt n° 13-080-C du 28 mars 2013 [10], la chambre judiciaire de la Cour d’Etat a estimé qu’un procès-verbal de conciliation signé par les parties et les juges est une renonciation à la procédure contentieuse; qu’il ne saurait être assimilé à une décision de justice; que par conséquent il ne peut être attaqué par les voies de recours ouvertes contre les jugements; que la partie qui veut le remettre en cause doit intenter une action en nullité, s’agissant d’un accord entre deux personnes voulant mettre fin à leur différend.
La Cour d’Etat a considéré que le règlement à l’amiable n’a pas un caractère décisionnel, car n’ayant engagé que les parties, le juge n’ayant fait qu’apposer sa signature et son cachet.
Du point de vue de la forme, le procès-verbal doit contenir le nom de la juridiction ou du juge devant lequel il a été établi, la date et l’année, les noms, prénoms, profession et domiciles des parties, leurs coutumes, la nature du problème à régler et son contenu, les signatures, apposées en bas, des deux parties, du juge et du greffier.
Pour ce qui est du fond, de manière expresse et claire, doivent y figurer les termes de la conciliation obtenue.
- La conciliation résultant de l’article 7 [11]
Ici, les parties ont recours au serment confessionnel pour régler leur litige.
Il s’agit d’un serment décisoire, c’est-à-dire celui qu’une partie défère volontairement à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause. Il est différent du serment supplétoire que le juge décide, dans certaines conditions, de déférer souverainement à une partie, peu importe que l’autre l’accepte ou pas.
Mais, les deux serments, s’agissant précisément du Coran, ne produisent pas les mêmes conséquences juridiques.
Ainsi, dans l’arrêt n° 91-20 -C du 28 mars 1991, la Cour d’Etat a estimé, dans une affaire à elle soumise, que << selon le Droit musulman, applicable en l’espèce, le serment dit coranique peut être valablement déféré à une partie par son adversaire et a pour effet, lorsque sa prestation est régulière, d’entrainer nécessairement l’abandon par le déférant de toutes prétentions dans le procès>>.
Si ce type de serment équivaut à une conciliation, aux termes de l’alinéa 3 de la loi n°63-18, c’est tout simplement parce qu’il est l’œuvre des parties, l’une d’entre elles l’ayant volontairement déféré, et l’autre l’ayant accepté sans contrainte.
Pour autant que ce serment ait été prêté de manière régulière, en respectant tous les rites prescrits par l’Islam, il reste irrévocable.
A contrario, lorsque les conditions de forme et de fond de ce serment n’ont pas été respectées, il peut être remis en cause quand le conflit viendra à être élevé devant le juge.
Il en résulte que les juridictions d’appel et de cassation apprécient l’opportunité d’un tel serment au regard des témoignages fournis. C’est seulement lorsque ces témoignages, en raison de leur nature, ne suffisent pas et lorsque le juge ne peut recourir à aucun autre moyen pour rendre et motiver sa décision, qu’il peut avoir recours au serment pour départager les parties.
Dans la pratique, le recours au serment supplétoire cause des problèmes, car le plus souvent il est déféré contre la volonté d’une des parties qui refuse carrément de prendre part au rituel de sa prestation.
C’est pourquoi, il (le serment supplétoire) est peu recommandé sauf dans des cas exceptionnels, car son usage crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Il suffit d’imaginer un instant ce que peut être la réaction et le sentiment d’une personne ayant prêté ce serment et qui le voit par la suite annulé par une autre juridiction.
Il importe de relever, et comme l’a dit la Cour Suprême dans l’arrêt n° 06-269/CIV du 09 novembre 2006 [13], que la prestation de serment sur le Coran devant les autorités religieuses, pour régler un litige, est un procédé qui n’est utilisé qu’en matière coutumière, plus précisément en matière du foncier rural.
Selon cette Cour, on ne peut, sans violer la loi, faire application des règles coutumières pour régler un litige régi par le code civil, notamment en déférant le serment coranique et en désignant l’Association Islamique pour le recueillir.
- L’article 149 de l’ordonnance n°93-015 du 30 mars 1993, portant principes d’orientation du Code Rural
L’ordonnance n°93-015 a prévu, en plus, un titre III consacré au contentieux rural.
L’article 149, en son alinéa 1er, renvoie aux dispositions des lois n°62-11 du 16 mars 1962, fixant l’organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger et n°63-18 du 22 février 1963, fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix en matière civile et commerciale quant aux règlements des différends opposant les opérateurs ruraux entre eux.
A l’alinéa 2, l’article 149 dit que la procédure judiciaire doit obligatoirement être précédée d’une tentative de conciliation des conflits par les autorités coutumières et le résultat de la conciliation réussie est consigné dans un procès-verbal.
L’ordonnance précitée a été suivie par l’ordonnance n°93-028 du 30 mars 1993 portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger modifiée et complétée par la loi n°2008-22 du 23 juin 2008.
Les deux ordonnances ayant valeur de loi ont été enfantées dans le même contexte et dans le même esprit, suite à la Conférence nationale souveraine qui a favorisé leur éclosion.
- L’ordonnance n° 93-028 du 30 mars 1993 modifiée et complétée par la loi n° 2008-22 du 23 juin 2008, portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger
Elle détermine le statut de la chefferie traditionnelle au Niger.
C’est le deuxième texte en vigueur qui parle de la conciliation en matière foncière, entre autres, prérogative dévolue aux chefs traditionnels et qu’ils exercent concurremment avec le juge moderne.
Ce texte instaure ce qu’on peut appeler une ‘’justice traditionnelle’’ à côté de la justice moderne, même si dans son esprit, la conciliation faite par l’autorité coutumière, sanctionnée par un procès-verbal obéissant également à des conditions de forme et de fond, ne peut avoir un caractère exécutoire que lorsque ledit procès-verbal a été entériné ou homologué par le juge compétent, à la diligence d’une des parties.
A travers l’article 15 modifié le 23 juin 2008, l’ordonnance n°93-028 révisée fait du chef traditionnel (chef de quartier, chef de tribu, chef de village, chef de canton, chef de groupement, chef de province et sultan ), le gardien de nos valeurs ancestrales, un des piliers du règlement des litiges liés au foncier rural ,à travers le pouvoir de conciliation qui lui est reconnu, concurremment avec le juge coutumier, mais un pouvoir soigneusement encadré par la loi et contrôlé par ce dernier qui dispose, à son tour, d’un pouvoir sanctionnateur, à savoir l’annulation du procès-verbal de conciliation irrégulier.
Même si l’article 15 (nouveau) de l’ordonnance n°93-028 du 30 mars 1993, portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger modifiée et complétée par la loi n°2008-22 du 22 juin 2008 n’évoque pas expressément le pouvoir sanctionnateur du juge coutumier, à travers l’annulation du procès-verbal entaché d’irrégularités de forme ou de fond, c’est le sens qu’il faut, en tout cas, donner à cette disposition.
En effet, en prévoyant que l’extrait du registre ad’ hoc où sont consignés les procès-verbaux de conciliation est adressé à la juridiction compétente, et en donnant la possibilité à une partie de faire diligence en saisissant le juge coutumier aux fins d’obtenir l’apposition de la formule exécutoire, l’article 15 (nouveau) précité reconnait, en filigrane, deux compétences au juge coutumier : un pouvoir de contrôle par rapport à la conciliation faite par l’autorité traditionnelle, et un pouvoir de censure qui en est le corollaire.
- Le juge et le chef traditionnel conciliateurs : l’art de se comporter en diplomate, en artiste ou savant.
Raymond Aron, dans son célèbre ouvrage intitulé ‘’paix et guerre entre les nations’’, a démontré que les relations interétatiques ont toujours été caractérisées par des conflits qui finissent par être réglés par la voie de la négociation.
Il a symbolisé ces rapports entre les Etats par deux agents à savoir le soldat et le diplomate, le premier pour conduire la guerre, le second pour ramener la paix, à travers ses stratégies de négociation.
Dans les rapports privés, par le biais de la conciliation, on se trouve dans une situation presque similaire.
Ici, il s’agit de deux personnes qui n’arrivent pas à s’entendre entre elles, qui s’exercent même des violences verbales, relativement à un problème qui les oppose, et qui ont besoin de l’interposition de quelqu’un pour rapprocher leurs points de vue, pour apaiser leur mésentente et les amener à s’accorder sur quelque chose.
Ce rôle, dans notre droit positif, est joué soit par le chef traditionnel, soit par le juge moderne.
L’un comme l’autre, doivent faire preuve de beaucoup de diplomatie dans cette mission extrêmement difficile surtout dans les questions foncières où l’obtention d’une conciliation devient un véritable exploit, ou même un miracle, parce qu’elle est rare.
Il faut reconnaitre, à ce niveau, qu’il n’est pas donné à n’importe qui la capacité de concilier. Il faut avoir de l’intuition, un don de soi et un grand esprit de créativité.
C’est beaucoup plus la méthode d’approche que le bagage intellectuel qui fait la réussite d’une conciliation.
Il importe, par ailleurs, de souligner que la conciliation a des vertus divines.
C’est l’une des rares situations où il est religieusement permis de mentir, tout simplement parce qu’à terme il s’agit de rassembler, d’unir des gens qui, en apparence, ne peuvent se rencontrer comme deux branches d’un arbre eu égard à leurs positions qui sont diamétralement opposées.
Ainsi, il est admis, pour le conciliateur, de mentir c’est-à-dire de dire à l’une ou à l’autre partie le contraire de ce qui a été développé devant lui lorsque les paroles qu’il a reçues ne sont pas bonnes et sont donc de nature à nuire aux rapports entre les protagonistes, à faire donc échec à un règlement à l’amiable.
La conciliation est donc, à la base, une mission divine, tout comme le pouvoir de juger.
Ainsi, celui qui arrive à concilier deux protagonistes aura, dit-on, des bienfaits dans l’Au-delà et dans le monde d’ici-bas ; il aura tiré une grande satisfaction, un grand soulagement d’avoir accompli une tâche aussi noble que celle-là.
Pour bien concilier, il faut donc se comporter en diplomate, il faut faire œuvre d’artiste et de savant.
Tous les moyens sont bons pour y parvenir.
Le juge et le chef traditionnel doivent faire appel à leur génie créateur.
En la matière, il n’y a pas de prototype ou de schéma stéréotypé. Chaque situation constitue un cas d’espèce qu’il faut traiter avec sa particularité.
Cependant, nous proposons un cheminement à suivre pour la réussite de toute conciliation, sans que cela soit un modèle.
- La mise en confiance des parties
Il faut d’abord mettre en confiance les parties, les rassurer.
En général, les parties qui comparaissent devant une autorité coutumière ou judiciaire ont, a priori, un sentiment de peur et d’inquiétude, à tort ou à raison.
Ce sentiment découle lui-même de la peur de sortir perdant ou d’être débarrassé de son bien.
Le juge ou le chef traditionnel se doit de créer un climat de confiance entre lui et les parties qu’il entend concilier et de les rassurer quant à l’issue juste et équitable de la conciliation.
Cette phase préliminaire est très importante car, la conciliation n’étant pas un jugement, l’idéal c’est que tout le monde s’y retrouve.
Dans cette opération, le scénario du perdant et du gagnant n’est pas souhaitable car, en définitive, l’objectif poursuivi est de ne pas laisser des stigmates ou de mauvais souvenirs dans les relations futures entre les parties qui peuvent même en vouloir à l’autorité conciliatrice.
Ensuite, une fois le terrain balisé, le juge ou le chef traditionnel cherchera les armes ou les moyens de la conciliation.
- La recherche des armes ou des moyens de la conciliation
Evidemment, ces armes ou ces moyens dépendent de la compétence du juge ou de l’autorité coutumière, de son imagination, donc de son esprit de créativité, et de son intuition.
En fait, réussir à concilier ses semblables, relève d’un don de soi. Pour la justice de paix ou justice de proximité, le meilleur juge est celui qui concilie le plus et non pas celui qui juge le plus.
L’autorité conciliatrice doit amener les parties à comprendre l’intérêt pour elles de s’entendre car, comme on a coutume de le dire, <<une mauvaise conciliation vaut mieux qu’un long ou interminable procès>>.
La conciliation a le grand avantage d’être moins coûteuse, souple et courte dans sa durée. Il y a donc à la fois un gain de temps et des ressources.
Par contre, le jugement peut être long, il peut durer et occasionner, en plus, beaucoup de dépenses, même pour les affaires coutumières dont le traitement(procédure) est en principe gratuit en ce sens que la partie qui succombe au procès ne peut jamais être condamnée aux dépens.
Toutefois, les parties sont obligées de se prendre en charge, ne serait-ce que du point de vue de leurs déplacements au siège de la juridiction compétente.
Une fois l’avantage de la conciliation expliqué et compris, il faut amener chaque partie à comprendre son intérêt, ce qu’elle a à y gagner car, en vérité, lorsque chacun des plaideurs comprend qu’il a à gagner quelque chose dans un compromis ou un accord, lorsque chacun est conscient qu’il n’y a aucune compromission dans l’opération, c’est sans hésitation qu’il acceptera de s’y soumettre.
Pour ce qui est des armes ou des moyens proprement dits à la disposition du juge ou du chef traditionnel conciliateur, comme nous l’avons déjà dit plus haut, tout dépend de son génie créateur.
Cependant, il y a une arme très efficace qui consiste à recourir à la ‘’parenté à plaisanterie’’.
C’est un moyen qui marche très bien si on arrive subtilement à ménager les susceptibilités des gens.
Il n’y a d’ailleurs rien de plus efficace que de jouer sur le ‘’cousinage ethnique’’ pour concilier les parties, lorsque ce cousinage existe et rien n’empêche le conciliateur de le faire.
En fait, de manière conventionnelle, il n’y a pas d’armes bien précises auxquelles l’on aura recours.
Mais, tout doit se faire dans les règles de l’art, dans le respect des droits de chaque partie à savoir la liberté de parole, les droits de la défense, la liberté contractuelle, étant entendu que la conciliation est un contrat, donc c’est la loi des parties.
- Cela veut dire que le conciliateur ne doit rien imposer.
- L’arbitrage est un moyen de régulation des relations juridiques (relations contractuelles le plus souvent) auquel les parties font recours, soit par la voie de la clause compromissoire, soit par le biais du compromis d’arbitrage, pour résoudre des difficultés résultant de l’interprétation ou de l’exécution de ces relations, donc normalement de l’interprétation et de l’exécution du contrat.
- L’expertise est utilisée dans les relations d’affaires, les affaires civiles, foncières et même pénales pour éclairer les parties sur l’existence ou l’inexistence des défaillances et pour en situer l’origine. L’expert n’a aucune mission d’ordre juridique, c’est-à-dire celle de trancher un litige d’ordre juridique. Il éclaire la situation d’un point de vue juridique et c’est tout. Cependant, son intervention peut favoriser un règlement amiable, ou si aucun règlement amiable n’a pu être trouvé, éclairer le juge ou l’arbitre qui sera chargé de trancher le litige.
- Contrairement à la conciliation qui permet aux parties de discuter directement entre elles, sans intermédiation, la technique de la médiation suppose la désignation, par celles-ci, d’un tiers aux fins de leur faire des propositions de règlement amiable de leur différend.
- Recueil des lois et règlements, n° 81.10, p 1 à 16, 2ème édition, Secrétariat Général du Gouvernement, 199’ ; Journal Officiel de la République du Niger, n°10 du 15 mai 1963.
- Code Rural, Recueil des textes, Comité National du Code rural, Secrétariat Permanent, Edition 2013, P 273-285.
- Code Rural, Recueil des textes, Comité National du Code rural, Secrétariat Permanent, Edition 2013, P 286-317.
- Recueil des lois et règlements, 83.1, 1 à 19 ; Journal Officiel de la République du Niger, n° 7 du 1er Avril 1962.
- Recueil des lois et règlements, 83.1, 1 à 19 ; Journal Officiel de la République du Niger, n° 7 du 1er Avril 1962.
- Recueil des lois et règlements, n° 81.10, p 3, 2ème édition, Secrétariat Général du Gouvernement, 199’ ; Journal Officiel de la République du Niger, n°10 du 15 mai 1963.
- Bulletin des principaux arrêts de la Cour d’Etat et de la Cour Suprême, 2013.
- Recueil des lois et règlements, n° 81.10, p 3, 2ème édition, Secrétariat Général du Gouvernement, 199’ ; Journal Officiel de la République du Niger, n°10 du 15 mai 1963.
- Bulletin des principaux arrêts de la Cour d’Etat et de la Cour Suprême, Sommaires 1984-1991 p.32.
- Bulletin des principaux arrêts de la Cour d’Etat et de la Cour Suprême, 2006.
- Code Rural, Recueil des textes, Comité National du Code rural, Secrétariat Permanent, Edition 2013, p 31.
Article écrit par :
HAMIDINE ABOU MAMANE, Magistrat | Conseiller à la Cour d’Appel de Niamey,
Diplômé de 3ème Cycle en Droit International et Relations Internationales de la Faculté de Droit et des Sciences Administratives de BEN AKNOUN (Université d’Alger I)