La justice se doit de communiquer pour être comprise et les efforts de ses acteurs appréciés à juste titre. Bien vrai, qu’il ne nous revient pas magistrats de le faire en permanence car ce n’est pas forcément notre rôle, étant soumis à des exigences statutaires dont entre autres le devoir de réserve qui atténue nos prises de position surtout publiques ou sur des sujets relativement auxquels nous sommes attendus en tant qu’acteurs de la justice.
A propos de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) il faut dire qu’elle est un des moyens de mise en œuvre de l’action publique pour réprimer les infractions à la loi pénale tout comme d’ailleurs l’ouverture d’une information judiciaire suivant réquisitoire introductif d’instance du procureur de la République qui en use lorsque la loi l’exige ou que les faits à lui déférés sont complexes et nécessitent des investigations approfondies, ou encore la procédure de flagrant délit lorsque les faits sont clairs.
Par la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), le procureur saisit le tribunal correctionnel pour le jugement des certains délits énumérés par la loi après que le mis en cause ait accepté les faits à lui reprochés et la peine proposée par le procureur. Cette procédure participe de l’idée de désengorger les maisons d’arrêt saturées par, comme c’est souvent le cas, des délinquants primaires qui peuvent pourtant avoir une chance de s’amender et vivre en harmonie avec les règles sociales.
La procédure est instituée au Niger par la loi 2007-04 du 22 février 2007 portant réforme de Code de procédure pénale. Elle est encadrée strictement par les 379-1 à 379-10 du Code de procédure pénale.
L’article 379-1 dispose : « Pour les délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à dix (10)ans, le procureur peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son conseil, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à l’égard de toute personne convoquée ou déférée devant lui, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés».
Dans les faits, pour diverses raisons depuis 2007 ce moyen de jugement des infractions ne connaît pratiquement pas d’application au Niger malgré ses avantages pour les délinquants qui s’amendent et s’insèrent dans la société après la procédure, et pour l’Etat qui est bénéficiaire des frais d’amendes résultant de la condamnation et qui voit les maisons d’arrêt désengorgées.
Il a fallu les années récentes pour rappeler aux acteurs de la justice pénale notamment les différents parquets la nécessité de mettre en œuvre sans faille les dispositions du Code de procédure pénale y relatives. Cela est attesté par exemple par la circulaire numéro 000007 du 22 décembre 2023 du ministre de la justice garde des seaux qui rappelle aux termes de ladite circulaire les obstacles à l’atteinte de certains engagements internationaux que constitue la non application de cette procédure devant contribuer à humaniser les établissements pénitentiaires où coexistent délinquants primaires et des multirécidivistes.
Les infractions éligibles sont celles punissables d’une peine d’emprisonnement inférieure à dix (10). Ce qui fait que dans la pratique, beaucoup de délits de la compétence de nos tribunaux correctionnels peuvent légalement être jugés suivant cette procédure. C’est le cas des infractions telles que certains vols, les coups et blessures volontaires, les infractions sur les stupéfiants comme la détention ou la consommation de drogue etc… infractions courantes et connues par nos concitoyens et dont le dénouement intéressent ces derniers. Du coup, une amende de 500.000fcfa proposée par le procureur et accepté par le mis en cause, fait l’objet d’une mobilisation au sein de la famille et suscite par là des interrogations. Certains magistrats convaincus de la légalité de la procédure et de la destination légale de ces fonds ne jugent pas opportun d’en donner ces détails, ce qui peut être diversement interprété et souvent perçu comme un monnayage de la justice. Ce qui n’est pas le cas car le magistrat ne voit jamais l’argent. Il vérifie le versement au trésor ou au greffe qui consigne l’argent issu de l’amende.
Important de rappeler que pour la mise en œuvre de cette procédure, les amendes sont recouvrées directement car le prévenu s’en acquitte auprès des services de recettes instituées par l’Etat. Dans tout les cas, pour être jugé un dossier qui passe en CRPC nécessite le récépissé qui prouve le paiement et ces montants sont versés au trésor par le soin des greffiers en chef qui sont dépositaires des fonds au niveau des juridictions.
L’application de cette procédure n’échappera pas à des préjugés pour les prévenus concernés et leur famille et entourage surtout dans le contexte nigérien d’ignorance. Certains apercevront cette procédure comme ci-haut rappeler comme un marchandage de la liberté. Tu reconnaît ta faute, tu paie une amende à l’Etat et tu es averti sans aller en prison! C’est la loi qui l’autorise et les institutions de l’Etat au plus haut sommet en encouragent la mise en œuvre qui se passe, pas dans une unanimité d’appréhension dans le rang des acteurs.
C’est pourquoi justement la justice doit communiquer par moment et elle sera mieux comprise et appréciée.

SIRADJI A. Ibrahim
Juge au tribunal de grande instance de Tahoua, doctorant en droit privé.